Navigation



 

Scene III CENDRILLON, SIEUR THIBAULT, puis DAME BERANGÈRE

SIEUR THIBAULT
Quel est donc ce vacarme ?
Ah, te voilà, enfant.
Sais-tu bien que le Prince avait de nombreux charmes,
C’est pitié de ne l’avoir vu !

CENDRILLON
Et les autres messieurs ?...

SIEUR THIBAULT
Ah, tu es bien gentille,
Mais vrai, si tu étais venue
Tu n’aurais vu que lui, comme toutes les filles.
Et sa belle inconnue,
A la fine cheville...

VOIX DE FÉLICIE
Aïe, aïe ! Tu vois bien qu j’ai mal et tu insistes !

VOIX D’AGATHE
Tu voulais ton onguent : c’est bien fait, égoïste !

DAME BÉRANGÈRE
Cendrillon laisse-donc tes soeurs un peu tranquilles.

SIEUR THIBAULT
Mais elle est là, m’amour, et nous parlions, c’est tout

DAME BÉRANGÈRE
Oh, quel charmant babil !
Et de quoi parliez-vous ?

CENDRILLON
Rien que du bal, ma mère.

DAME BÉRANGÈRE
Voyez-vous ça ? Rien que du bal ! Que disais-tu ?

CENDRILLON
Rien. Je m’imaginais.

DAME BÉRANGÈRE
C’est une visionnaire,
Votre fille, Thibault.

VOIX DE FÉLICIE
Bien fait ! bien fait, têtue !

DAME BÉRANGÈRE
Mais que se passe-t-il enfin ?

CENDRILLON
Oh, c’est à cause de l’onguent.

DAME BÉRANGÈRE
L’onguent ?...

SIEUR THIBAULT
...qui rend les pieds plus fins !
Ce matin, partout l’on en vend.

DAME BÉRANGÈRE
Ah, mes petits bouchons !
C’est qu’elles voudraient tant chausser cette pantoufle...

CENDRILLON
Quelle pantoufle, donc ?

DAME BÉRANGÈRE
Oh, comme elle s’essouffle...

SIEUR THIBAULT
La pantoufle perdue par la jeune princesse,
Voyons, le Prince n’a de cesse
De la faire essayer à toutes les beautés,
Et qui la chaussera deviendra sa moitié.

CENDRILLON
La pantoufle...Le Prince...
Ah, perdrai-je l’esprit !...
Quoi, c’était donc le Prince ?
Mon Dieu, j’ai tout compris !

DAME BÉRANGÈRE
Ah ça, son embarras redouble
Et elle détourne la tête.
Elle pâlit, elle se trouble
Il faut que j’en aie le coeur net.

CENDRILLON
Et moi, de l’essayer j’ai donc aussi le droit !

SIEUR THIBAULT
Mais tu seras fort bien venue !

DAME BÉRANGÈRE
Ridicule ! Thibault, vous savez comme moi
Que Cendrillon ne peut être cette inconnue !

SIEUR THIBAULT
Et pas plus dans ce cas que vos deux petits bouts
Qui depuis qu’elles sont debout
Se rabotent leurs pieds trop grands !

DAME BÉRANGÈRE
Quel est ce ton vociférant ?
Et vous, depuis que vous êtes debout, trainez
En chemise de nuit
Allez vous habiller,
Nous parlerons plus tard.

SIEUR THIBAULT
Me voilà éconduit.
M’amour, à tantôt, Cendrillon.
(Cendrillon dans sa rêverie ne répond pas. Thibault sort.)

DAME BÉRANGÈRE
Maintenant, à nous deux. Voyons.
Comme elle rêve ! Elle soupire.
Ah, il faut que je sache
Et que je lui arrache
Ce qui la fait sourire.

(Fanfare)

Ah, voilà l’envoyé du Roy.

CENDRILLON
Non, c’est le Prince qui l’envoie.

DAME BÉRANGÈRE
Comme elle a ce Prince dans l’âme !




"Cendrillon" de Jean-Baptiste Fronty est un texte déposé © FRONTY - Contact