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GUIGNOL, puis LE PRINCE JOUR

GUIGNOL
Hélas, hélas on a beau dire
Il n’y a que des rois pour être aussi naïfs.
Le Prince ne peut que sourire
Devant un aussi triste poncif :
Organiser un bal pour qu’Il tombe amoureux !
Hoçà, la ridicule idée.
Ne connaissent-ils pas bien leur fils, parbleu ?
Contre l’amour il est blindé.
Ce ne sont pas ces péronnelles
Qui le feront changer d’avis ;
Surtout pas ces donzelles
Et leur mine ravie !
La grosse fait choir son gâteau
Dans le corsage de la maigre
Et d’un coup de pied bien costaud
Le dégage d’un air allègre...
Celles-là en tous cas,
De son coeur je le crains, ne pourront triompher.
Quand aux autres ma foi...
On ne voit cela que dans les contes de fées.

JOUR
Ah, Guignol fais-moi rire. Hélas j’en ai bien besoin.

GUIGNOL
Hourrah, bravo, Il est venu !
Tralala tralala tsoin tsoin
Regardez-moi ces ingénues
Ces nymphes ravissantes
Cette vaste étendue
De donzelles charmantes !
ce serait étonnant si dans un tel essaim
Le Prince ne pouvait trouver
Une jeune beauté à qui donner la main.

JOUR
Ah tu le crois, en vérité ?

GUIGNOL
Non. Non, mais faites cet effort
Pour votre père : il y tient tellement.

JOUR
C’est que je ne suis pas bien fort
A jouer le fade rôle d’un amant.

GUIGNOL
Têtebleu, du courage !
En vain vous prétendez
Vous qui venez de lieux ou la guerre fait rage,
Que vous êtes intimidé
Par des jeunes filles bien sages.

JOUR
Ce sont de terribles adversaires, oui-dà !
De ces sortes d’armées je n’ai pas l’habitude
Et vaincre des soldats
Est un combat moins rude.

GUIGNOL
Non, quel air ahuri !
Où est ce Prince conquérant ?
Or, sus à l’ennemi !
Allez, du cran, petit, du cran !

JOUR
Tu as raison, j’y vais. dis au Duc que j’arrive.
Mais par pitié qu’au moins l’orchestre ne joue point
Sa rengaine lascive.

GUIGNOL
Le titre pourtant vient à point.

JOUR
Pourquoi ?

GUIGNOL
Est-ce bien de l’Amour ?...

(Guignol sort. On entend Parfay annoncer Jour. Musique.)




"Cendrillon" de Jean-Baptiste Fronty est un texte déposé © FRONTY - Contact